La classe flexible :
levier de motivation et d’implication
Myriam GENTAUD et Mélanie GANDECKA
Enseignantes en classe de CE2 à l’école Maxime Marchand d’Evreux
Présentation
Constat/état des lieux
•Recherche systématique de l’attention des adultes de la part des élèves pour se mettre au travail,
s’organiser et s’impliquer dans leurs taches.
•Difficultés d’implication, notamment en classe entière.
•De plus en plus d’élèves ont besoin de bouger. Les déplacements spontanés sont nombreux et sans motif
précis.
•Les élèves se lèvent spontanément pour lire le tableau, se corriger, aller chercher du matériel, demander de l’aide à un camarade.
•Les élèves cherchent à changer de position sur leurs chaises, se tortillent, s’avachissent, bloquent leurs jambes, se balancent quand leurs chaises ne sont pas fixées aux tables et glissent sur leurs chaises.
•Lors des pauses de l’après-midi dans la classe (qui remplaçaient les récréations), les élèves choisissaient spontanément de jouer par terre, autour d’une table sans s’asseoir ou préfèraient se tenir debout.
Organisation pédagogique et mise en place
Notre démarche
Dans un souci de rendre nos élèves plus actifs dans leurs apprentissages, ces deux dernières années diverses pistes pédagogiques ont été explorées, ce qui a permis de donner du sens aux situations
d’apprentissage que vivent nos élèves. Ils ont pu vivre ces séances dans le cadre de projets menés en classe et en dehors de la classe.
Ils sont encouragés à montrer leurs productions, à parler de leurs expériences et de leurs acquis aux élèves de toute l’école, à des élèves du collège et aux parents. Nous les sollicitons à travers différents supports, que ce soient des écrits, des vidéos, des oraux ou encore la présence d’intervenants professionnels en classe et en dehors de la classe.
Les modalités de travail sont variées (groupe classe, demi groupes, tiers de classe, binômes, travail individuel). L’auto-évaluation et la co-évaluation sont pratiquées afin qu’ils aient un regard sur leurs savoirs et savoir-faire. Afin de les aider dans cette tâche, un code de correction a été mis en place sur
l’ensemble du cycle 2. Les groupes peuvent être homogènes ou hétérogènes. Le tutorat entre pairs est encouragé.
Nous différencions les activités, certaines activités sont décrochées pour les plus fragiles.
Les élèves sont autorisés à boire et à aller aux toilettes quand ils en ressentent le besoin en dehors des temps de consigne et des temps collectifs.
Une partie des élèves de nos classes montrent de l’intérêt pour les activités proposées, la collaboration entre pairs se met en place mais les comportements observés en classe ne sont pas adéquats : peu d’autonomie dans la réalisation des tâches, recherche de l’attention de l’adulte, signes d’irritabilité, les élèves se lèvent sans raisons, bougent, se tortillent, glissent sur leurs chaises de façon
nerveuse, l’attention et l’implication restent fragiles.
Nos réflexions et recherches nous amènent à prendre en compte le bien être de l’enfant en classe en réévaluant la place du corps de l’enfant dans sa manière d’apprendre.
L’aménagement flexible apparait comme une réponse aux besoins physiologiques de l’enfant :
celui de bouger, de choisir la bonne posture pour ses apprentissages, de moduler son expérience physique au sein de la classe. D’autre part, il induit des déplacements plus libres, choisis et aussi des regroupements plus variés, qui permettent d’interagir aussi différemment avec ses pairs (co-apprentissage, tutorat, création d’outils pour les autres élèves…).
Changements effectués depuis la rentrée 2018
La mise en place de ce projet a débuté en septembre 2018 avec peu de moyens.
Tout d’abord, les espaces de travail sont modulés. Les plans de travail proposés sont de diverses hauteurs permettant aux élèves de travailler debout, au sol ou encore assis sur une chaise, un ballon, un tabouret ou bien allongé. Les espaces de travail sont diversifiés et permettent de varier les modalités de
travail selon les attentes pédagogiques et les besoins des élèves (espace de regroupement collectif, zone de recherches, espace de collaboration, espaces individuels …). Les diverses postures et espaces de travail seront validés par un ergothérapeute (sous réserve de financement). Un kinésithérapeute nous a
permis de perfectionner le choix des assises. De plus, nous ritualisons des séances de mouvements pour libérer les tensions et recentrer la concentration des élèves au cours de la journée.
Concernant la gestion de la classe, elle est organisée en séances courtes de 20 à 30 minutes.
Ainsi, les élèves amenés à changer de place gèrent les outils dont ils ont besoin de façon autonome. Ils ont un bac nominatif qui contient toutes leurs affaires et qu’ils gèrent en fonction des activités proposées.
Pour favoriser l’autonomie, des tablettes sont mises à disposition des élèves pour certaines activités.
Des espaces individuels sont mis en place. Ainsi, le besoin d’isolement est respecté : nous avons créer des « isoloirs » permettant aux élèves de s’isoler lorsqu’ils en ressentent le besoin. Nous souhaitons également mettre à disposition des élèves des casques « anti-bruit ».
Pour que les élèves bénéficient d’une meilleure clarté cognitive, un « mur des réussites » est mis en place : affichages individuels regroupant les compétences acquises des élèves au fil des périodes. Les élèves sont amenés à placer l’étiquette correspondante à la compétence travaillée sur leur mur des réussites lorsqu’ils considèrent que la compétence est acquise après validation de l’enseignante.
Dans un souci de rendre l’élève plus actif dans ses apprentissages, nous avons intensifier notre pratique de la pédagogie actionnelle dans la classe avec la mise en place de la Méthode Heuristique de Mathématiques.
Enfin, la prise en compte du bien être de l’élève induit de créer un sentiment de « chez soi » dans la classe. Nous encourageons, par exemple, ce sentiment par le port de chaussons au sein de la classe,
d’affichages à hauteur des élèves ou encore d’activités favorisant la collaboration.
Nos questionnements nous amènent donc à envisager un profond changement dans notre manière
d’enseigner en considérant le bien être physique des élèves et leur autonomie comme supports de
motivation et d’implication dans leurs apprentissages.
Mise en place du projet
Dans un premier temps, nous avons présenté notre projet à l’équipe pédagogique. Suite à une
formation sur l’enseignement des mathématiques au cycle 2, la Méthode Heuristique Mathématiques a été présentée à la demande d’une partie de l’équipe. Par la suite, le bilan du projet PEACE-E a été porté à la connaissance de l’ensemble de l’équipe lors d’un conseil des maitres, ce qui a permis d’évaluer la
diversité des pratiques et notamment la prise en compte du bien être des élèves dans les écoles européennes.
Enfin, nous avons déjà pu faire le point sur le matériel nécessaire à la mise en oeuvre de notre projet. Du matériel pour les mathématiques a pu être récupéré dans l’école, quelques tables basses non utilisées ainsi que des tablettes. Néanmoins, le nombre restreint de tablettes et leur obsolescence rendent
leur utilisation difficile. Certaines applications ne peuvent être installées.
Objectifs
•Favoriser l’autonomie des élèves et les rendre acteurs de leurs apprentissages.
•Augmenter la motivation des élèves dans un environnement accueillant et motivant.
• Inviter la bonne humeur et l’enthousiasme face aux apprentissages.
• Intégrer le numérique comme un outil d’apprentissage et de recherche.
• Apaiser le climat de classe.
• Renforcer le lien d’appartenance à la classe, dans laquelle les élèves se sentent « chez-eux ».
• Favoriser la collaboration et le travail de groupe dans un espace ouvert avec des meubles amovibles.
• Permettre à l’élève de s’engager dans ses apprentissages et de répondre à ses propres besoins en lui
laissant la possibilité de choisir son lieu de travail, l’activité menée ainsi que ses partenaires de travail.
• Encourager le maintien de l’éveil sensoriel ainsi que le développement sensorimoteur pour permettre
une meilleure attention et régulation dans les apprentissages.
• Adapter la classe aux différents profils des élèves : s’adapter à chaque élève et à tous les besoins
particuliers (troubles dys, déficits de l’attention, troubles spécifiques des apprentissages, besoin de
s’isoler…) par le biais de l’aménagement flexible, de la mise en place de plan de travail individualisé et
des outils numériques.
• Permettre une réponse au besoin de bouger de l’enfant en réduisant le nombre et la durée des
périodes sédentaires.
Caractère innovant
* La classe flexible permet de repenser sa pédagogie. Les espaces de travail modulés permettent de varier les modalités de travail selon les attentes pédagogiques et les besoins des élèves (espace de regroupement collectif, zone de recherches, espace de collaboration, espaces individuels …). Les plans
de travail proposés sont de diverses hauteurs permettant aux élèves de travailler debout, allongé ou assis au sol mais aussi assis sur une chaise, un ballon ou un tabouret. L’autonomie des élèves est centrale dans l’organisation de leur travail, dans leur parcours de réussite et dans la gestion de leurs besoins. La pédagogie actionnelle est renforcée par cette organisation pédagogique. La mobilité des
élèves et du mobilier soutiennent le climat motivationnel de classe et la réussite des élèves.
* La classe flexible permet d’adapter la classe aux différents profils des élèves : s’adapter à chaque élève
et à tous les besoins particuliers par le biais de l’aménagement flexible, de la mise en place de plan de travail individualisé et des outils numériques.
La classe flexible permet de répondre aux besoins physiologiques et naturels de chaque élève en leur offrant la possibilité de changer d’assises régulièrement. Cette flexibilité permet également de répondre aux besoins structurels de l’enfant en mettant à disposition les outils favorisant sa concentration. Cet aménagement prend en compte le bien-être de l’élève par sa mobilité au gré de ses besoins. De plus,
des temps de mise en mouvement sont mis en place afin de recentrer l’attention des élèves.
La prise en compte des besoins de l’élève permet de valoriser la collaboration, le respect de ses pairs et ainsi d’apaiser le climat scolaire (conflits, harcèlement …).
*Notre établissement est situé en REP. Nos élèves vivent pour la plupart en milieu défavorisé. Beaucoup d’entre eux manquent de confiance en eux. En menant, les séances dirigées en demi-classe permettent à l’enseignant de porter une attention particulière à chaque élève facilitant ainsi l’étayage. Par ailleurs, nos élèves ont de nombreux besoins physiologiques et ont des difficultés à rester "statique" en classe
ordinaire. Certains d’entre eux ont de réelles difficultés de concentration. De plus, nous accueillons de nombreux élèves en situation de handicap. Les besoins de nos élèves sont variés et il est difficile de répondre à l’ensemble de leurs besoins dans un classe traditionnelle.
* L’organisation pédagogique telle qu’elle permet l’autonomie des élèves nécessite la construction individuelle des capacités d’autorégulation basée sur l’envie de réussir, la recherche des éléments qui vont conduire aux objectifs que se sont fixés les élèves. Les élèves impliqués dans l’atteinte des objectifs fixés par eux même vont spontanément rechercher les éléments qui vont favoriser leur réussite (aide
d’un pair, outil lexical, numérique, affichages didactiques coconstruits etc…). Ils recherchent le contrôle de leurs conditions de travail, s’adaptent positivement à leur environnement et gèrent différemment leurs émotions et les stimulations extérieures pour répondre à leurs besoins intrinsèques de réussir.
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